Christophe, 63 ans, voici mon histoire, mes questionnements…
Tout commence au premier jour de mon existence, lors de ma naissance. Maman m’a si souvent raconté cet épisode marquant de notre vie, que j’ai l’impression d’y avoir assisté ou du moins en avoir des souvenirs.
Âgée d’une trentaine d’année, Maman est une belle femme mariée, 1 enfant, une fille. Mariée mais pas amoureuse de son époux. Un mariage, comme beaucoup à l’époque, pour raison de grossesse non désirée qu’il faut assumer.
Et en ce jour, voilà, Maman de nouveau enceinte, prête à accoucher. Cet enfant elle le veut, motivée à fonder une famille, même s’il n’y a pas d’amour entre elle et son mari. Si son mariage ne marche pas, c’est peut être à cause d’elle. Si elle a du plaisir dans l’acte sexuel, elle ne connaît pas l’orgasme. En fait, elle ne l’a jamais connu. Elle sait que cela existe que par des bavardages avec des amies. Elle a pourtant connu des hommes, avant et après son mariage.
Mais ce jour là va faire basculer sa vie. Au milieu des douleurs, de la souffrance d’un accouchement, Maman connaît son premier orgasme. Elle ne comprends pas ce qui lui arrive quand en me sentant venir, elle ressent un plaisir qui explose au creux de ses reins. Elle en pleure, elle en rit tandis que la sage-femme me dépose sur sa poitrine, braillant avec énergie.
Si Maman m’a raconté cette naissance maintes fois c’est que pour elle, c’est la genèse de notre relation si particulière.
Après une enfance baignant dans la tendresse et l’amour d’une mère aimante et l’indifférence d’un père froid comme la mort, je deviens un adolescent un peu agité, voire dissipé. Mais le lien qui m’unit à ma mère pondère cette indiscipline.
Nous sommes si proches que je sens ces états d’âme comme elle ressent les miens. Entre nous, les mots ne sont pas nécessaires, un regard, une caresse suffisent à nous assurer de l’amour qui nous unit.
Depuis mes premiers jours, si nous sommes proches psychiquement, coté charnel nous ne sommes pas en reste. Nos câlins, nos étreintes sont quotidiens, comme nécessaires à notre équilibre.
Quand je suis en age de comprendre, Maman m’explique que lors de ma naissance, au-delà de l’orgasme, elle a senti son âme se scinder en deux. Pour elle, une partie de son corps s’est extrait de son ventre pour pousser ses premiers cris entre ses cuisses, accompagné d’une part de sa propre âme. J’étais né !
Ces explications m’accompagnent depuis si longtemps que je les intègre comme évidentes. Mon ressenti les confirme tant. Avec Maman nous sommes en accord parfait. Que ce soit l’esprit ou le corps, notre proximité est totale, au point de ne faire qu’un. Au moindre contact physique, nous sentons une douce chaleur nous envahir, nos esprits se relâchent dans une plénitude enivrante.
J’ai une quinzaine d’année quand nous faisons l’amour pour la première fois. Ça vient naturellement, cela s’impose à nous. Ces premiers rapports sexuels ne nous posent aucun soucis moraux. Ils sont si logiques, si évidents. La jouissance que nous connaissons tous les deux pour la première fois est telle que nous plongeons dans une sorte de transe. Dés lors, nous ne pourrons nous passer de cette union amoureuse qui déclenche en nous comme une interconnexion totale lors de l’orgasme.
Bien après, je connais charnellement d’autres femmes, mais avec aucune d’entre elles, je n’atteins ce degré de fusion, cette osmose. Avec Maman, je sens monter son propre plaisir en harmonie avec le mien. Nous sommes en totale osmose, nos corps ne faisant qu’un, notre âme réunifiée, pour exploser ensemble comme dans un feu d’artifice à l’issue duquel nos esprits retrouvent le calme, l’apaisement, le bonheur.
Malgré cette relation, nous avons vécu nos vies respectives, espérant préserver les apparences. J’ai quitté la maison familiale, je me suis marié, Maman a vieilli, mais nous avons conservé cette union de nos corps et nos esprits jusqu’à son dernier souffle.
Maman est morte depuis quelques années. A sa mort, je ne me suis pas effondré. Parce que sa fin n’a pas été brutale ni douloureuse. Elle s’est éteinte en douceur. Le chagrin, la douleur de ne plus jamais la voir, la sentir contre moi ont été rudes. Mais jour après jour, Maman s’est révélé en moi. Et un matin, je me suis réveillé avec la certitude que Maman était encore là, en moi, autour de moi.
Par choix, je vis dans sa maison d’enfance. Ici, Les murs, les meubles respirent son être.
Pas un instant, je ne la perçois pas là avec moi. Je ressens ce qu’elle aurait ressenti, je pense ce qu’elle aurait pensé. Cela peut paraître dingue, peut-être le suis-je, mais Maman vit en moi. Maman est toujours présente !
Manque juste son corps que j’ai tant aimé, qui s’est tant offert. Mais là encore, Maman arrive à vaincre la mort de son enveloppe charnelle. La nuit, elle vient tout contre moi et nous nous aimons comme avant, pour aboutir à cette union si parfaite. Si ce ne sont que des rêves, ils sont puissants car au matin, des traces bien réelles sur les draps témoignent de la vigueurs des ébats.
Quelques années après la mort de Maman, divorcé depuis longtemps, je vis seul à la campagne dans la maison familiale. Seul avec Maman. J’ai peu de contact avec ma sœur aînée, et elle ignore tout de mes rapports particuliers avec notre mère. Pour elle, son frère et sa mère ont juste toujours eu une relation incestuelle au pire incestueuse. Le père est mort, il y a longtemps.
Me posant des questions sur mon état mental, j’ai débuté une psychanalyse. Cela m’a permis de mieux comprendre certaines choses du passé. Ou du moins d’y mettre un nom. Ainsi, j’ai appris que jadis, Maman souffrait certainement d’anorgasmie comme beaucoup de femmes. Avoir du plaisir sans orgasme n’est pas si rare d’après les enquêtes. Comme pour beaucoup de ces femmes, vers la trentaine, l’orgasme peut survenir soit peu à peu, soit brutalement. Pour Maman, cela a été brutal et inattendu, puisque lors d’un accouchement. Le fait de jouir en mettant un enfant au monde est aussi un phénomène connu. C’est « l’accouchement orgasmique ». De là à penser que Maman c’est fait tout un film à partir de ces phénomènes médicaux peu connus, il n’y a qu’un pas.
Un pas que je n’ai pas totalement franchi. Car ensuite, il y a tout ce ressenti fusionnel entre Maman et moi. Nous ne l’avons pas inventé et à ma connaissance aucune donnée scientifique médicale ne l’explique en dehors de la psychiatrie. Et même là, les questions restent sans réponse.
La psychanalyse m’a permit de surmonter le deuil. Pièce après pièce, sans jugement, ma psy m’a guidé pour m’amener à comprendre comment je pouvais analyser de manière classique ma relation à ma mère et de fait, le traumatisme dû sa mort. Bref, je suis à la fois veuf, orphelin et surtout j’ai tous les symptômes du jumeau monozygote qui perd son alter ego. Si les deux premiers états passeront avec le temps, pour cette sensation de perte de sa moitié tout en la sentant présente, le chemin sera bien plus long. Vu mon age, je mourrai certainement avec ce vide en moi, adouci par la présence immatérielle de Maman. Ce vide, j’aime croire que la mort le comblera.
La psychanalyse m’a fait avancer en me donnant des explications au ressenti de Maman, mais je n’aime pas l’idée que cela expliquerai tout. Car, si notre mode de vie et l’éducation que m’a inculqué Maman peuvent conduire à cette relation incestueuse, cela n’explique en rien cette sensation de fusion totale de nos êtres. L’union de nos corps, de nos esprits, nous amenait à une totale osmose qui nous emportait dans ce qui me semble être un autre niveau de conscience.
Par nature je suis plutôt cartésien, mais ne fermant aucune porte pour mieux comprendre, j’ai cherché dans le domaine du spiritisme, du chamanisme. Sans grand succès, n’ayant pas les clés pour aborder ce monde assez mystérieux. Jusqu’au jour où j’ai rencontré J...
De temps à autre, j’ai des liaisons, souvent avec des femmes mariées, bien plus jeunes que moi. Mais rien de sérieux. Parfois, je leur parle de Maman, de notre histoire. La plupart du temps, elles ne retiennent que l’inceste. Mais l’une d’entre elle, la dernière en date, J..., branchée spiritisme , se prétendant médium, m’a permis d’apercevoir une lueur d’explication.
J… et moi, nous avons connu une drôle d’expérience. Rencontrés sur les réseaux sociaux, nous nous sommes attirés mutuellement. Classique jusque là. Mais ou ça se corse, c’est que sans savoir comment, j’ai su à quoi ressemblait J… sans qu’elle ne publie la moindre photo. De son coté, elle sentait en moi une force qu’elle liait au chamanisme. Bref, notre rencontre, en vrai, a été sulfureuse et fusionnelle. Je n’ai pas connu l’intensité et la folie que j’avais avec Maman, mais cela s’en approchait. Indéniablement nous nous sommes trouvés. Un jour au téléphone, séparés par la distance, alors nous échangions érotisme, j’ai eu la sensation d’une connexion au-delà du compréhensible avec J… De son coté, elle a été aussi transportée comme dans une hypnose juste par ma voix.
Après cette expérience, j’ai avoué à J… que je me sentais lié à elle avant même de la connaître vraiment, comme si nos âmes étaient sœurs. Et là, elle m’a parlé des « flammes jumelles ». J’ai tout de suite compris que ce qu’elle me décrivait correspondait à Maman et moi. Donc j’ai fini par parler à J… de ma relation à Maman.
Même si cela à contribuer en partie, à que J… et moi, nous nous séparions, j’ai compris que ce Maman avait ressenti à ma naissance n’était pas le simple fait de son imagination et d’un trouble psychique.
Voilà où j’en suis à ce jour. Partagé entre les explications psychologiques et celles plus spirituelles, j’aimerais avancer.
Donc si quelqu’un pouvait confirmer ou infirmer cette notion de flammes jumelles ou expliquer ce lien psychique et charnel hors du commun.
Que penser de cette présence de ma mère en moi, ou même ses visites la nuit ?
Merci de m'avoir lu.
